Qui es-tu aujourd’hui, Russie, pour l’enfant des années 1950 alors dans sa Provence natale?
Entre soleil et Mistral, précarités de l’époque et prémices matérialistes, ta seule existence figurait pour le garçonnet que j’étais, aux stations du poste de radio : « Moscou ».
Alors je rêvais d’un pays où j’aurai vécu, il y a bien longtemps, sans savoir où ni comment ; aux steppes infinies parsemées de forêts de bouleaux ou de taïgas, ou encore de fantastiques paysages enneigés, peuplés d’ours et de loups, et dont l’imagerie populaire entretenue par mes parents accroissait le mystère :
« La Russie, c’est très loin, c’est très grand et très froid … »
La « leçon apprise », je grandissais, jeune puis adulte, sans imaginer qu’un fait aussi banal deviendrait, à l’automne de ma vie, le fait même qui déterminerait ma vision de ce pays hors du commun. Et que d’évolution en un demi-siècle ! Combien de balbutiements, de remous et de torrents viendront progressivement baliser une expérience quasi-mystique …
Mais la révélation viendra tardivement, quand de successifs voyages au pays des tsars, de Pouchkine, de Rachmaninov, ou encore de la Révolution d’Octobre lèveront le voile sur le rêve enfantin, mais ne le démentiront pas.
Car vue depuis le Pont d’Avignon, sur lequel on ne danse plus depuis longtemps, il est juste de dire que « la Russie c’est très loin, très grand et très froid … »
Oui, sauf que la Russie est aussi autre chose.
C’est autre chose ; une « chose » que je ne pourrai jamais rencontrer ailleurs, précisément parce qu’elle est spécifiquement, traditionnellement et intrinsèquement russe, car liée à son immensité géographique, sa diversité culturelle, son histoire et sa religion orthodoxe.
Je veux parler de l’âme russe.
Cette âme russe, qui de la Carélie à la Bouriatie, du lac Ladoga au lac Baïkal, de Kronstadt à Moscou, dans l’immense Sibérie, sur la « mère Volga », ou encore en train « platskaRt » nous dévoile tant de trésors humains.
Oui, que de trésors au travers de visages, d’attitudes, de mœurs, de traditions et de beaux sourires ! Autant d’expressions qui donnent à lire dans la vie des êtres !
Et combien de monuments, de musées, d’œuvres scientifiques, littéraires, musicales ou chorégraphiques, mais aussi de mémoires d’agressions repoussées victorieusement au prix de sacrifices indicibles.
C’est là toute une histoire, l’histoire qui fait du peuple russe, un peuple non résigné mais courageux, non soumis mais digne, non divisé mais uni.
Un jour, en Carélie, une dame Vespe m’a déclaré :
« Nous sommes Vespes, mais nous sommes russes ! »
Et puis cette autre affirmation, d’une femme fière de sa naissance à Leningrad, l’ancienne Saint-Pétersbourg :
« Le russe est avant tout orthodoxe ! »
Aussi, ce témoignage ne pouvait qu’interpeller la Raison et la Foi de l’homme d’Eglise.
Comment en effet, et sauf à croire que Dieu l’a porté dans l’épreuve, ce peuple, aux innombrables souffrances peut-il encore professer sa foi ? Il n’y a pas je pense d’autre explication ; et la fréquentation de la belle divine liturgie orthodoxe en atteste : fidèles de tous âges, gestes de dévotion aimante, profondes attitudes de respect, mais aussi pleurs devant les icones, comme dans cette chapelle perdue de Sibérie, où des larmes coulaient sur des joues.
Oui, Ania, votre pays est un grand et beau pays ; mais il n’est pas que cela, car au-delà des montagnes, des fleuves, des lacs, des immensités, des glaces, des déserts, des richesses culturelles, des ressources naturelles, des églises magnifiques ou encore son histoire, il possède une âme spirituellement vouée à Dieu.
Cette âme tant aimée par « le petit garçon qui rêvait de la Russie… »
Merci Ania;votre pédagogie,votre sourire m’aident beaucoup à m’imprégner de la Russie;j’apprends seule votre langue et à 75 ans ce n’est pas donné!heureusement je parle deux autres langues ce qui m’aide. J’ai été très frappée par le témoignage de Pierre .Comme lui j’ai été tellement intéressée par la Russie _vers 6 ans_(après avoir lu »le général Dourakine » et « Contes et légendes russes ») que je m’étais fait un carnet avec une liste de mots russes rencontrés dans ces lectures avec leur traduction;je me souviens encore de la « roussalka »,cette inquiétante fée des bois!
Pourquoi cette attirance alors que j’ai très peu de chance d’aller un jour en Russie,du moins dans cette vie ,Pas plus que Pierre je ne le sais, mais je continue à travailler cette langue avec toujours autant de plaisir.
Et j’adore littéralement Tolstoï ,j’ai beaucoup lu de lui et je ne sais comment vous dire combien cela me parle _je pense à « Résurrection » et à la nouvelle »Maître et serviteur » en particulier et « Guerre et paix « bien sûr.
Pierre,connaissez-vous Sergueï Olegovitch Prokofieff et en particulier son livre « Les sources spirituelles de l’Europe de l’Est »?
Merci encore Ania,je ne vous quitte pas!
Elisabeth
Bonsoir Elisabeth,
Merci de votre message.
Non, je ne connais pas ce livre, mais je ne doute pas de son intérêt. Vous savez, en matière spirituelle, la littérature foisonne, on ne peut donc tout connaître…
Merci cependant de l’information.
Je serais par ailleurs intéressé de savoir ce qui « vous a frappée » dans mon témoignage ; pouvez-vous me dire ?
Et compliments enfin, pour votre courage et votre volonté à étudier la langue russe ; elle n’est pas facile, c’est vrai, mais elle est tellement belle, et c’est vrai aussi.
Je voudrais également vous encourager à aller en Russie, car, si loin des fables occidentales à son sujet, vous voulez vraiment la découvrir, il n’y a que ce moyen : vous y rendre. Vous toucherez là, vraiment, à l’âme russe, si chère à mon coeur…
Bien cordialement,
Pierre.
Votre témoignage est tout à fait juste, je ressens exactement la même chose, et il y a des mots qui reviennent souvent dans nos commentaires à tous: fascination, admiration, autant pour les paysages( villages, isbas, lacs, monastères, etc) que pour les oeuvres ( religieuses, littéraires, musicales…)et bien sûr nous n’aimons pas entendre réduire la Russie…à Poutine! Car il faut connaitre toute l’histoire de ce pays avant de porter un jugement.
Habitez-vous toujours en Provence? ?
Bonjour Claire,
Merci de votre commentaire que je partage.
Pour répondre à votre question, disons que j’habite toujours en Provence, mais plus tout à fait là où j’ai grandi.
Avec mes compliments pour votre amour de la Russie.