Le Slynx de Tatiana Tolstoï. « Кысь »

Dans le roman le Slynx écrit entre 1986 et 2000, Tatiana Tolstoï propose une vision post-apocalyptique du monde après l’Explosion qui fait allusion à celle de Tchernobyl. La civilisation est détruite, les gens sont renvoyés à un état de vie rudimentaire. Dans cette contre-utopie, Tatiana Tolstoï raconte la triste existence de ce peuple redevenu primitif, fait de rares survivants et de mutants réduits à manger des souris. Ils sont privés de leur culture, étant dirigés par un dictateur qui a rassemblé pour lui seul tous les livres.

L’écrivain choisit d’écrire dans une langue authentique utilisée par ce nouveau peuple, mélange de langage parlé, vocabulaire « bas de gamme », mots désuets et néologismes. Dans son jeu elle va jusqu’à inventer des réalités, comme ces lièvres noirs qui volètent d’un arbre à l’autre. Ces créatures ne sont pas inconcevables du point de vue des effets de la radiation sur le vivant – nous avons eu connaissance de mutations et de métamorphoses tragiques après la catastrophe de Tchernobyl.

Un autre fruit de mutation: le Slynx. Ce monstre qu’aucun être vivant n’a jamais vu mais dont la morsure, d’après les anciens, peut rendre tellement idiot que la victime ne pourrait même plus subvenir à ses besoins primitifs et serait condamnée.

L’humour qui est présent tout au long des pages nous indique une direction de lecture, celle d’une satire sociale où l’homme moderne serait la proie de superstitions archaïques, manipulé par un pouvoir malade et replié sur lui-même.

Il est intéressant de signaler l’usage des lettres de l’ancien alphabet russe en tant que titres des chapitres. En même temps que les vocables désuets, cet usage nous renvoie à l’état archaïque de la langue russe. A premier abord, cela fait penser au recul de la civilisation causé par l’Explosion, mais en même temps, ce registre linguistique « tend vers le haut » car il fait revivre une partie de la culture oubliée. La soif d’apprendre, la puissance des poèmes plagiés par le dictateur sur les gens font espérer qu’au fond la nature humaine est bonne, elle aspire au savoir, aux lumières.

En cela, Le Slynx est un livre sur les livres, et l’auteur s’inscrit par là dans la tradition russe des grands écrivains, de Pouchkine à Blok, et rappelle à ses lecteurs que l’âme de la Russie est vivante à travers eux.

Le roman est traduit en français par Christophe Glogowski, chez Robert Laffont.

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2 Commentaires

  1. Cela fait un peu penser à Terminus radieux d’Antoine Volodine, qui se passe dans un monde imaginaire, délirant et dantesque, post apocalyptique, Je vais donc essayer de me plonger dans celui-là, merci pour l’info!

    Pas très joyeux comme lecture, mais il en faut!
    Personnellement j’ai été très touchée par le petit livre tout en finesse d’Antoine Choplin,  » la nuit tombée », sur l’après Tchernobyl.

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  2. Très beau petit livre de Choplin en effet – que Chantal Morel a adapté au théâtre. Choplin avait d’ailleurs vu mon spectacle sur Tchernobyl 🙂

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