J’ai une affection particulière pour Monsieur Ivo Rens, doyen de mes élèves, qui s’est lancé dans l’apprentissage du russe à quatre-vingts ans passés…

Lorsque Ivo m’a contactée via le blog pour apprendre le russe, je ne savais rien de lui*.

M. Rens s’est inscrit à la formation Russe-intensif, a suivi discrètement les premiers cours – reprenant à la base des notions qu’il avait acquises en autodidacte, à l’aide de manuels. Mais, un jour que nous réglions par téléphone des soucis informatiques, Ivo m’a confié habiter non loin de chez moi. Il m’a invitée à venir le voir, et nous avons fait connaissance.

D’abord intimidée par son parcours, j’ai été très touchée par la délicatesse et la bonté qu’Ivo dégageait et inspirait. C’est à la suite d’un échange à bâtons rompus autour d’un thé, que je lui ai proposé de revenir l’interroger, afin que son expérience puisse être partagée avec le plus grand nombre 🙂

Je vous présente donc Ivo Rens, Professeur honoraire de l’Université de Genève.

Ivo Rens est notamment l’auteur du Blog La paix mondiale menacée.

Ivo Rens

Le but de ce travail considérable de collecte et de commentaires critiques est « de donner la parole à des personnalités qui voient dans cet alignement systématique des Etats de l’Union Européenne, et de plusieurs autres de par le monde, sur les positions de Washington, les prémisses d’une IIIe guerre mondiale qui serait sans doute la « der des der » car elle pourrait bien mettre fin notamment à l’espèce humaine ». Ivo prévient d’ailleurs que « tous les textes que l’on trouvera sur ce blog ont ceci de commun que leur argumentation nous paraît pertinente pour tenter d’alerter l’opinion publique sur le péril grandissant du conflit nucléaire majeur ».

Les analyses géopolitiques de Monsieur Rens rejoignent en effet ses préoccupations écologiques, qu’il exprime abondamment dans son deuxième blog : L’appel de Genève II.

A travers maints articles, Ivo Rens alerte et argumente pour défendre un renoncement au nucléaire. Il reste néanmoins humble, précisant que « nous n’avons ni la structure ni les possibilités de gérer une opération à l’échelon planétaire,  mais seulement le désir de contribuer, avec nos modestes moyens, à abandonner au plus vite une énergie qui a démontré les risques insensés qu’elle engendre et pour hâter le passage aux énergies renouvelables et sans danger ».

"Il n’y a pas d’âge pour apprendre le russe”. Ivo Rens.

Les éléments à retenir de mon interview avec M. Ivo Rens, étudiant atypique de 85 ans ! Comment et pourquoi entamer l’étude du russe à pareil âge :

Pourriez-vous nous retracer votre carrière professionnelle ?

– Du fait de la IIe Guerre mondiale, enfance et adolescence sur trois continents et dans 12 écoles

– Etudes de droit à Genève 1953-1957

– Fonctionnaire international à Genève 1957-1963

– Conseiller d’un Vice-premier ministre de Belgique, à Bruxelles 1963-1965

– Enseignant à la Faculté de droit de Genève de 1960 à 2000, donc 40 ans ! (+ suppléances dans plusieurs Universités surtout suisses, mais aussi une année à l’Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande, 1981-1982)

Parlez-nous du cadre familial et intellectuel qui fut le vôtre ?

– Né à Anvers en 1933

– Père belge et flamand, successivement ouvrier docker et métallo, présentateur à la radio, Directeur du Cabinet de deux Premiers ministres, haut fonctionnaire du Gouvernement belge en exil à Londres de 1941 à 1945, haut fonctionnaire international (BIT)

– Mère institutrice en Algérie

– Enfance jusqu’à 7 ans à cheval sur la Belgique et l’Algérie (Oran)

– De 7 à 10 ans à Frenda, sud algérien

– De 10 à 12 ans en Angleterre

– De 12 à 15 ans à Montréal, Canada,

– A partir de 15 ans, surtout à Genève.

– Héritage maternel : la langue française et la paix comme préoccupation politique prioritaire.

– Héritage paternel : la justice sociale, la social-démocratie, l’hostilité au communisme soviétique.

– Moi-même, j’ai appartenu au Parti socialiste suisse pendant plus de 50 ans. Je n’y suis plus en raison de l’attirance de ce Parti pour l’UE.

– Adhésion intellectuelle à l’écologie et engagement antinucléaire dans les années 1970 : lancement de l’APAG en 1978.

Comment en êtes-vous venu à vouloir apprendre le russe ?

– Chute de l’URSS en 1991 perçue par moi comme l’espoir d’un monde apaisé et d’une paix perpétuelle !

– Perplexité face à la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie en 1999.

– Perplexité face au 11 septembre 2001 et à ses suites… guerre des USA et de l’OTAN contre l’Afghanistan.

– Hostilité à l’agression américaine contre l’Irak en 2003.

– Prise de conscience progressive entre 2003 et 2014 que le couple USA-OTAN constitue désormais la principale menace pour la paix mondiale :

– Lancement de deux blogs :

– APAG2 en 2013

– La paix mondiale menacée en 2014

– Fascination, en 2015, pour le livre de Guy Mettan, Russie-Occident. Une guerre de mille ans.

– Adhésion à la vision internationaliste de la Russie contemporaine, surtout à son attachement au Droit international public, de plus en plus ouvertement violé par les USA et les pays européens membres de l’OTAN.

– De là découle mon intérêt et ma curiosité pour la langue et la culture russe.

Quels sont vos projets en relation avec cet intérêt ?

– Aléas inhérents à des projets d’un octogénaire…

– Ayant commencé l’apprentissage du russe il y a à peine plus d’1 an…

– Un de mes amis, aujourd’hui décédé, a connu avant moi une évolution semblable et il a effectué un voyage en Russie, et notamment en Sibérie, il y a dix ans environ. Toutefois, il n’avait pas tenté d’apprendre le russe…

– Mon option est plus hasardeuse car il me faudra bien quelques années pour maîtriser le russe.

– La découverte des cours de Russe intensif m’est particulièrement précieuse.

– Peut-être me sera-t-il donné de visiter la Russie, mais peut-être ce voyage restera-t-il à l’état de rêve !

J’espère que cet article et cet entretien vous auront donné envie de vous attarder sur les blogs d’Ivo Rens – une personnalité passionnante et une personne d’une grande « intelligence humaine ».

*Ce qui n’empêche pas Monsieur Ivo Rens d’être sur Wikipédia 🙂

Né à Anvers en 1933, Ivo Rens a été fonctionnaire international à Genève de 1957 à 1963 (dès 1960 Secrétaire adjoint de l’Union interparlementaire), Privat-docent à la Faculté de droit de l’Université de Genève dès 1960, Conseiller constitutionnel du Vice-Premier Ministre de Belgique (Paul-Henri Spaak) de 1963 à 1965, Chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Genève de 1965 à 1968 et Professeur d’histoire des doctrines politiques à cette même Faculté de 1968 à 2000.

Il a également enseigné dans les Universités de Lausanne, Neuchâtel, Paris I Panthéon-Sorbonne, Canterbury (Christchurch, Nouvelle-Zélande), Hobbart (Tasmanie, Australie) ainsi qu’à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Ses publications portent principalement sur l’histoire du socialisme et sur l’écologie politique. Il a dirigé la revue Stratégies Energétiques, Biosphère & Société de 1991 à 1998.

Au plaisir de lire vos commentaires !